Le Tartuffe est un bijou dont la charge n'est pas tant un brûlot anti-religion qu'une étude de caractères dont les dialogues mordants, s'ils sont très drôles, recèlent une profonde réflexion.
Voici Orgon, un homme riche et influent, confronté à Tartuffe, qui l'impressionne par sa dévotion. Subjugué, il finit par l'installer chez lui, ouvrant ainsi sa porte à un escroc qui en veut à sa fortune et voudrait bien culbuter sa femme.
On pourrait plaindre le bourgeois s'il n'était lui-même un de "Ces gens qui par une âme à l'intérêt soumise, font de dévotion métier et marchandise".... C'est un égoïste sans estime pour sa famille, que sa fille qualifie de "père absolu" et qui déclare volontiers "Faire enrager le monde est ma plus grande joie"
Orgon s'est trouvé un miroir embellissant dont aucune critique ne saurait le détourner car il lui donne le droit d'être confortablement indifférent à autrui.
C'est flagrant à la scène V de l'acte I. Benoît Lambert le met en scène dînant seul, servi par Dorine qui essaie, désespérément de l'intéresser à la vie de la maison. A chacun des exposés, il n'a qu'une réponse : "Et Tartuffe ?"
La servante est incarnée avec truculence et conviction par Martine Schambacher qui fait passer beaucoup d'émotions et se paie le luxe de modifier judicieusement une des répliques...
Le contraste est tel qu'on reconnaît chez Orgon le signe que Tartuffe, qu'on n'a pas encore vu, applique sur lui une méthode que les sectes emploient encore : "Oui, je deviens tout autre avec son entretien, Il m'enseigne à n'avoir affection pour rien ; De toutes amitiés il détache mon âme ; Et je verrais mourir frère, enfants, mère, et femme, Que je m'en soucierais autant que de cela.".
Le metteur en scène souligne d'ailleurs "On retrouve dans Tartuffe une question qui traverse toute l’œuvre de Molière [...] celle de l’homme en proie à une passion singulière qui finit par le rendre ridicule aux yeux du monde. Orgon, Alceste, Arnolphe, Harpagon, Argan, Monsieur Jourdain... tous sont animés par une idée fixe, presque un délire [...] ".
Texte de Molière - Mise en scène de Benoît Lambert - Création au Théâtre Dijon Bourgogne
Marc Berman (Orgon, mari d’Elmire) Anne Cuisenier (Elmire, femme d’Orgon) Stéphan Castang (Mme Pernelle, mère d’Orgon) Emmanuel Vérité (Tartuffe, faux dévot/Monsieur Loyal/l’Huissier) Paul Schirck (Damis, fils d’Orgon) Étienne Grebot (Cléante, beau-frère d’Orgon) Aurélie Reinhorn (Mariane, fille d’Orgon et amante de Valère) Yoann Gasiorowski (Valère, amant de Mariane) Camille Roy (Flipote, servante de Mme Pernelle /l’Exempt) Raphaël Patout (Un sergent)