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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

La résignation est un suicide quotidien

Publié le 9 Avril 2022 par Baronne Samedi in Humeur

Il y a longtemps, j'occupais un premier emploi qui perdait rapidement le charme de la nouveauté. Pour m'y rendre, je dévalais à pied, chaque matin, les pentes de la Croix-Rousse.

A l'époque, les graffiti commençaient à envahir les murs. Je dis bien graffiti et non tags, car il s'agissait encore de propager des messages titillant l'esprit et non de pisser une signature pour se sentir exister.

Juste à côté de "La France aux Français", on avait ajouté : "Et la Bourgogne aux escargots !". Plus loin, on nous suggérait : "Laissez-vous pousser les dents !"

Mes nuits étaient foisonnantes et mon sommeil très rare, aussi mon trajet du matin se faisait-il dans un état second, rendant mon cerveau perméable à ce joyeux bazar.

Un matin, immense, arrogant, est apparu cet énorme écrit :

La résignation est un suicide quotidien

Gna gna gna, ai-je pensé, vaguement agacée. C'était pompeux, même pas drôle, de la philosophie de comptoir, en somme.

Jour après jour, je m'efforçais d'aller au travail, me consolant la nuit de fête en fête, sans parvenir à dissiper l'ennui de la journée. Mais il fallait bien gagner sa croûte et puis, encore débutante, j'étais déjà bien contente d'avoir un travail.

Mais tous les matins, il était là 

LA RESIGNATION EST UN SUICIDE QUOTIDIEN

et malgré moi, je tournais et retournais les mots dans ma tête. 

Il a bien fallu quelques semaines mais un matin, alors que je m'habillais en tentant de me convaincre qu'il fallait bien accepter ce qui venait et que c'était ça, la maturité, l'idée m'a traversé l'esprit que faire les choses à contrecoeur, c'était la mort de l'envie. 

Dans un éblouissement, j'ai compris que

LA RESIGNATION EST UN SUICIDE QUOTIDIEN

C'était agaçant. J'étais soudain conditionnée par un pompeux slogan.

N'empêche que ce jour-là, j'ai démissionné pour chercher un meilleur travail.

Plus tard, en relisant Balzac, je me suis aperçue que cette phrase est dite par Lucien de Rubempré à la fin du roman "Illusions perdues", quand il se jure de retourner un jour tenter sa chance à Paris.

La transmission emprunte parfois des voies étranges.

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