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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Shirine - Escaich/Rahimi/Brunel - Opéra de Lyon

Publié le 8 Mai 2022 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Opéra, Opéra de Lyon

Khosrow et Shirine est une épopée courtoise écrite en 1180 par le poète person Nizame, narrant l'amour impossible du roi de Perse et d'une princesse chrétienne, nièce de la reine d'Arménie. 

Après avoir surpris la princess Shirine à son bain, le prince de Perse Khosrow, subjugué par sa beauté, demande au peintre Chapour de la retrouver et de faire en sorte qu’elle s’éprenne de lui.

Chapour peint un beau portrait du prince et l'accroche dans le jardin de Shirine. Lorsqu’elle le découvre avec ravissement, il lui décrit le prince et la passion qu’il lui voue. La fougueuse princesse décide de se rendre à Madain pour rencontrer Khosrow.

Elle n’est pas encore arrivée que Khosrow, banni du royaume par son père, part se réfugier en Arménie où la reine Chamira lui apprend le départ de sa nièce Shirine et tente de le retenir pour elle-même. Mais Chapour vient annoncer que son père étant mort, Khosrow est désormais roi. Tandis qu’il se hâte de rentrer en Perse pour retrouver Shirine et régner avec elle, Chamira en secret envoie un messager pour rappeler Shirine à elle.

Ajoutez à ça l'architecte  Fahrâd, amoureux sacrifié, et Chiroya, le fils en mal de vengeance et vous obtenez un récit au carrefour du vaudeville et de la tragédie shakespearienne...

Khosrow admirant Shirine au bain - Miniature du 16e siècle.

Khosrow admirant Shirine au bain - Miniature du 16e siècle.

Si vous avez le coeur sensible, arrêtez là car je n'ai rien à dire d'aimable sur l'adaptation créée à l'Opéra de Lyon.

Pour commencer, du récit plein de chassés-croisés et de rebondissements,  Atiq Rahimi a fait 12 tableaux dont les ellipses nuisent presque à la compréhension de l'histoire.

De plus, le rideau se lève sur la vidéo d'une bouche de femme cousue au fil noir tandis que sur la scène, des figurantes font sur elles-mêmes le geste de la découdre. C'est glauque, et même si l'on imagine une référence à la condition des femmes et leur libération, ça jette un froid.

Shirine - Escaich/Rahimi/Brunel - Opéra de Lyon

La pièce est mise en scène par Richard Brunel dans un décor pivotant dont les cloisons semblent tourner comme les pages d'un livre à chaque tableau. C'est efficace mais très minimaliste, à part quelques projections d'illustrations persanes ou des transparences permettant de voir des personnages en arrière-plan.

Plus réussi est le haut pan de roche qui fait son entrée dans la brume et d'où surgit la sculpture d'un cheval, le temps de la rencontre entre Shirine et Farhâd.

Shirine - Escaich/Rahimi/Brunel - Opéra de Lyon
Shirine - Escaich/Rahimi/Brunel - Opéra de Lyon

En matière de costumes, seuls les figurants portent de longues vestes chamarrées à l'orientale tandis que Khosrow est en costume des années 50, maillot de corps inclus, et Shirine en tailleur-pantalon fuchsia très contemporain. Passe encore, mais le fils meurtrier, lui, est affublé d'un polo et d'une casquette de sport avec la visière sur la nuque, un cliché d'adolescent non seulement ridicule dans le contexte mais totalement démodé.

Shirine apparaît une fois en double (j'ignore pourquoi) pour un intermède dansant avec le choeur, ce qui rajoute en longueur mais pas en intérêt sur le plan chorégraphique.

Shirine - Escaich/Rahimi/Brunel - Opéra de Lyon

Pour évoquer désir, séduction et pouvoir, Thierry Escaich livre une partition constamment dramatique, à grands renforts de cuivres, de cordes et de timbale, et des passages où je croyais entendre un croisement de Bernstein et Schiffrin. A peine quelques touches de flûte naï, de duduk et de qânûn rappellent qu'on est en Perse.

A mon grand regret, il n'y a pas eu de grand air : tout le texte est donné sur le mode parlé-chanté qui ne met guère en valeur les possibilités vocales des artistes. Mais le pire reste dans un texte mal ficelé avec des formules boiteuses ou dont le niveau de langage ne colle pas à l'époque.

Ainsi la princesse a des seins "lactés", sa chevelure "a le ravage du feu", elle ne connaît pas "la vie en tandem", on lui apprend que se marier "vaut mieux que flirter". Plus loin, on entend "elle s'en mourra" et "chacun aimerions porter ce flambeau". Pour couronner le tout, le mot "aimance" qui remplace "amour" est répété jusqu'à la nausée.

Je suis partie avec la sensation d'avoir perdu deux heures de ma vie, et c'est bien la première fois que ça m'arrive à l'opéra.

Shirine - Opéra en 12 tableaux - Création mondiale à Lyon, 2022 -  Durée 1h45 mn, en français

Composition Thierry Escaich - Livret Atiq Rahimi
Mise en scène Richard Brunel - Dramaturgie Catherine Ailloud-Nicolas
Direction musicale Franck Ollu

Décors Etienne Pluss - Vidéo Yann Philippe
Costumes Wojciech Dziedzic - Lumières Henning Streck

Shirine (soprano) Jeanne Gérard - Khosrow (ténor)  Julien Behr
Chapour (baryton) Jean-Sébastien Bou - Chiroya (ténor) Stephen Mills
Nakissâ (contre-ténor) Théophile Alexandre - Chamira (mezzo soprano) Majdouline Zerari Bârbad (baryton) Laurent Alvaro - Farhâd (baryton) Florent Karrer

Orchestre et chœurs de l'Opéra de Lyon

Photos © Jean-louis Fernandez

Du 8 au 12 mai 2022 à l'Opéra de Lyon

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