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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Cabaret - Masteroff/Kacenelenbogen - Maison de la danse de Lyon

Publié le 26 Novembre 2017 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Danse, Musique, Théâtre

(c) Marianne Grimont

(c) Marianne Grimont

La Maison de la Danse de Lyon présente, jusqu'au 3 décembre, une superbe version du spectacle musical "Cabaret" duquel on se trouve doublement le public : celui du Kit Kat Club dans le Berlin des années 1930, et celui du spectacle mis en scène par Michel Kacenelenbogen.

Un jeune Américain en mal d'inspiration, Cliff Bradshaw, rencontre Ernst Ludwig, un Berlinois apparemment trafiquant au marché noir, qui lui trouve une pension de famille et lui fait découvrir les folies de la vie nocturne. Cliff se laisse séduire par Sally Bowles une artiste de cabaret portée sur le gin et les amants de passage, tandis qu'il vivote en donnant des leçons d'anglais.

Autour d'eux gravitent  la logeuse  Fräulein Schneider et son prétendant Herr Schultz, ainsi que Fräulein Kost qui vend gaiement ses charmes aux marins... 

Si, dans la pension, la pauvreté révèle l'ampleur de la crise économique, le Kit Kat Club se veut le temple de l'insouciance... Wilkommen, bienvenue, welcome !

(c) Marianne Grimont

(c) Marianne Grimont

Tandis que le public s'installe, les artistes s'échauffent le corps et la voix sur scène, donnant l'impression d'avoir un oeil indiscret dans les loges.

L'orchestre, installé au-dessus, donne très vite un ton endiablé, de même que le maître de cérémonie magistralement interprété par Antoine Guillaume, dont la voix et le geste sont irréprochables, même dans le mode facétieux qu'il a choisi pour incarner le personnage, à sa manière, sans chercher à imiter le fameux Joel Grey dans la version cinématographique à laquelle il est difficile de ne pas se référer, faute d'en avoir vu d'autres

Delphine Gardin chante la partition douce-amère de la logeuse, avec une superbe voix aux accents de goualante tandis que Nitya Fierens est délicieusement impertinente en fille légère avec son "It couldn't please me more !"

Le mouvement est continu grâce à un décor bien pensé. La partie fixe, loges/scène du club, surmontée de l'orchestre, est encerclée d'une bande mouvante qui amène à l'avant les accessoires évoquant tour à tour une chambre, une pièce de réception, un quai de gare...

Si les dialogues et certaines chansons ont été transposés en français, les compositions de Kander et Ebb ont été gardées en anglais? dont les fameux "Money song", "Maybe this time" , "Two ladies"...

La troupe des filles, des garçons et des autres s'en donne à coeur joie dans la décadence érotique, autour de Taïla Onraedt qui interprète une Sally bouleversante, avec un jeu qui rend toutes les nuances de cette femme à la dérive, à fois fragile et cruelle. 

On s'amuse beaucoup aux facéties des artistes, au culot de Sally et aux amours maladroites de la logeuse et son Herr Schulz... jusqu'à leurs fiançailles. Alors que la fête bat son plein, Ernst Ludwig, le petit trafiquant, ôte son pardessus et découvre un brassard marqué d'une croix gammée.

C'est glaçant car soudain c'est l'Histoire, dans toute son horreur.  La boule qui m'a serré la gorge ne m'a plus quittée.

La jolie chanson "Tomorrow belongs to me" interprétée en intermède par une gamine ressurgit avec une orchestration très bavaroise puis carrément martiale. Les jetés de jambe en cancan deviennent des pas de l'oie.

C'en est fini de l'insouciance, Cliff comprend qu'il vaut mieux retourner très vite en Amérique et tente vainement d'y emmener Sally, enceinte peut-être de ses oeuvres. Elle refuse de croire au danger et préfère avorter persuadée qu'elle ne saura jamais être heureuse ailleurs que sur scène.

La troupe autour est maintenant engoncée dans des manteaux. Peu à peu, la scène s'obscurcit tandis que tous se déshabillent, et il n'y a plus rien d'érotique dans cette nudité mais seulement la vulnérabilité de ceux que l'on conduit à la mort.

Des applaudissements nourris ont éclaté au tomber du rideau, mais je dois confesser que je me suis arrêtée net en voyant le brassard nazi que portait toujours Bruno Mullenaerts... j'aurais préféré qu'il l'enlèvât à la fin de son rôle, pour ne pas prolonger le malaise.

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En 1939, Christopher Isherwood publie aux Etats-Unis un recueil de nouvelles intitulé The Berlin Stories, dans lequel il raconte sous forme de chroniques, le Berlin de la crise de 1929 et la montée du nazisme.  Le dramaturge John Van Druten adapte la nouvelle Goodbye to Berlin sous le titre de I am a camera, en 1951.

À New-York, en 1966, le producteur, Harold Prince accepte le projet Cabaret, d’après I am a camera, que lui propose le romancier Joe Masteroff.  Les musiques et paroles de John Kander et Fred Ebb transforment le livret pessimiste en une fête pathétique, ajoutant le personnage de Emcee, l’inquiétant maître de cérémonie. Pour l'anecdote, c'est à eux que l'on  doit également les airs emblématiques de Chicago et New York, New York

La célèbre version cinématographique, dirigée par Bob Fosse, sort en 1972, avec Liza Minelli dans le rôle de Sally Bowles. A Lyon, en 1986, Jérôme Savary met en scène la première version française de Cabaret.

Lorsque Sam Mendes ramène Cabaret sur les planches en 1993, des chansons ont été supprimées, et certaines tirées du film comme Mein Herr, Maybe This Time ou Money, Money, Money ont été ajoutées.

La version présentée à la Maison de la Danse, jusqu’au 3 décembre, est celle du metteur en scène Michel Kacenelenbogen, créée en 2014 au Théâtre National de Belgique.

(c) Marianne Grimont

(c) Marianne Grimont

Création de 2014 d’après la pièce de John Van Druten et l’histoire de Christopher Isherwood, avec 17 interprètes et 8 musiciens

Traduction et adaptation Hélène Catsaras, Lou Kacen, Michel Kacenelenbogen et Mirabelle Santkin

 

Livret  Joe Masteroff   Musique  John Kander - Paroles  Fred Ebb

Mise en scène Michel Kacenelenbogen

Direction musicale  Pascal Charpentier   Chorégraphie  Thierry Smits

Scénographie  Vincent Lemaire Lumière Laurent Kaye

Costumes Chandra Vellut

 

Avec :

Sally Bowles Taïla Onraedt   Emcee Antoine Guillaume  Cliff Bradshaw Baptiste Blampain

Herr Schultz Didier Colfs Fraulein Schneider Delphine Gardin Ernst Ludwig Bruno Mullenaerts

Fraulein Kost Nitya Fierens, et  Samuel Anastasi, Jolijn Antonissen, Léonor Bailleul, Steven Colombeen, Sarah Delforge, Floriane Jamar, Damien Locqueneux, Jeroen Logghe..

 

Piano Julie Delbart  Trompette Pauline Leblond  

Saxo alto Gilles Carlier, Charles Michiels  Saxo ténor Mathieu Najean

Trombone Julien Guilloux  Basse  Cédric Raymond

Guitare, banjo Jo Mahieu, Jess Jacob  Percussions Toine Cnockaert

Coproduction Théâtre Le Public - Bruxelles, Théâtre National - Bruxelles, Théâtre de Liège, Théâtre de l’Éveil - Mons. Avec la participation de Maison de la Culture - Arlon, Théâtre de Namur, Atelier Théâtre Jean Vilar - Louvain-la-Neuve, Théâtre du Passage - Neuchâtel, Nuithonie-Équilibre - Fribourg, Centre culturel de l’Arrondissement de Huy - Belgique

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