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Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Carmen & L'Arlésienne - Bizet/Roland Petit

Publié le 3 Novembre 2015 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Danse

Au répertoire très riche du Ballet de l’Opéra de Lyon, le Directeur de la Danse Yorgos Loukos, vient d’ajouter deux ballets emblématiques de Roland Petit, avec lequel il a longtemps travaillé et qu’il a voulu faire connaître tant à ses danseurs qu’aux spectacteurs.

Ainsi, jusqu'au 19 novembre, la scène de l'Opéra de Lyon prend les couleurs du sud en présentant, en un spectacle, les ballets L'Arlésienne suivi de Carmen.

Carmen & L'Arlésienne - Bizet/Roland Petit

En 1973, Roland Petit découvre la musique entière de L'Arlésienne enregistrée par Karajan. La partition de Bizet était une commande pour illustrer le drame que Daudet avait adapté de sa nouvelle, elle-même inspiré d'un drame de l'amour survenu dans la famille de son ami Mistral.

Cette Arlésienne, dans le ballet comme dans les textes, "On en parle, on en meurt mais on ne la voit pas", pour citer l'écrivain.

Avec en toile de fond, un paysage provençal à la Van Gogh et des costumes à l'avenant, le drame est bref : le jeune Frédéri (Leoannis Pupo-Guillen), trahi par une fiancée volage, se laisse convaincre d'épouser Vivette (Kristina Bentz), une jeune fille bien décidée à le consoler.

Carmen & L'Arlésienne - Bizet/Roland Petit

Le corps de ballet est très présent, portant les jeunes gens l'un vers l'autre, avant de célébrer les noces dans un tourbillon de rondes et farandoles entrecroisées formant des effets visuels que n'aurait pas renié Busby Berkeley.

Sans connaître l'histoire, il serait impossible de comprendre ce qui se passe, malgré les passages relevant plus de la pantomime que de la danse. En outre, les pas de deux sont plutôt mièvres, avec peu de trouvailles.

Le rôle n'est donc pas très gratifiant pour Kristina Bentz qui est bien une douce Vivette. C'est dans le solo de la nuit de noces qu'elle peut exprimer son plein potentiel, quand elle cherche, facétieuse, à capter l'attention d'un Frédéri perdu dans son chagrin.  

Au début du ballet Leoannis Pupo-Guillen semble peiner dans les portés et les appuis. En revanche, à partir du second solo, il prend littéralement son envol, athlétique, expressif et visiblement plus à l'aise en occupant tout l'espace. 

A la fin, quand tous les thèmes musicaux de L'Arlésienne se superposent crescendo, il incarne avec intensité tous les tourments de Frédéri qui le poussent à son geste désespéré.

La fin est brutale et l'émotion du public aussi, au point que l'entr'acte est bienvenu pour apaiser l'esprit avant la seconde partie. 

 

Chorégraphie (1974) Roland Petit, reprise par Luigi Bonino

Musique Georges Bizet - Livret Roland Petit, d'après Alphone Daudet

Décors René Allio - Costumes Christine Laurent - Lumières Jean-Michel Désiré

Carmen & L'Arlésienne - Bizet/Roland Petit

Pour son Carmen, le Roland Petit-chorégraphe, se fonda sur la tragédie picaresque de Mérimée et non sur le livret plus édulcoré de l'opéra de Bizet dont il garda néanmoins toute la musique.

Quant au Roland Petit-danseur, il fut le premier interprète de Don José, de noir et blanc vêtu, fasciné par une Carmen atypique qu'il dépouilla des clichés du flamenco : sans robe à volants ni crinière, sa compagne Zizi Jeanmaire devenait, presque nue, la quintessence de la femme fatale. 

Les décors et costumes originaux, très graphiques, d'Antoni Cavé, sont là pour rendre les couleurs de Séville, et la musique de Bizet, sans le chant, reste magnifique.

La mise en scène audacieuse frappe encore par sa modernité alors que le ballet date de 1949. C'est au point qu'Alvin Ailey a dit "Rolant Petit, avec Carmen, a ouvert la voie à toute la danse américaine".  

Dès l'ouverture, les bandits et cigarières sont folkloriques en diable et Julia Carnicer a interprété la femme bandit avec beaucoup de piquant. 

Un jeu de chaises endiablé donne aux scènes une allure de cabaret et on ne peut que sourire à ces quelques pas de java incongrus qui donnent à la troupe une allure canaille d'apaches.

(c) Jaime Roque de la Cruz

(c) Jaime Roque de la Cruz

C'est un superbe Don José que campe Edi Blloshmi sur un solo au violon de "L'amour est enfant de bohême". Farouche, magnifique de noblesse, il y met la grâce vigoureuse d'un flamenco. 

Cette énergie a trouvé son répondant avec Noëllie Conjeaud dont la Carmen est aussi forte que séduisante.

(c) Jaime Roque de la Cruz

(c) Jaime Roque de la Cruz

Si la musculature presque virile de ses cuisses ne flatte pas les petits pas caracolés sur pointes, elle lui donne en revanche des élans superbes dans les portés et un ancrage admirable dans les postures en équilibre. 

Dans les duos, Edi Blloshmi et Noëllie Conjeaud font passer toute la passion lascive qu'y avait mise le chorégraphe amoureux de sa danseuse, car leur jeu d'acteurs est à la mesure de leur maîtrise technique. 

(c) Jaime Roque de la Cruz

(c) Jaime Roque de la Cruz

(c) Jaime Roque de la Cruz

(c) Jaime Roque de la Cruz

L'intermède comique du toréador incarné par Adrien Delépine est très réussi, avec  sa gestuelle cocasse qui évoque irrésistiblement un coq se pavanant dans la basse-cour.

On aurait d'ailleurs aimé le voir plus longtemps sur scène, mais ce rôle est surtout annonciateur de l'affrontement qui va suivre...

(c) Jaime Roque de la Cruz

(c) Jaime Roque de la Cruz

Au fil des cinq tableaux, le drame se déroule inexorablement avec un final dansé au son menaçant des timbales seules.

Front contre front, Carmen et Don José luttent, tandis que leurs ombres projetées sur le décor annoncent celle de la Mort : si Carmen a cru pouvoir se jouer de l'ordre établi, c'est bien son représentant qui, au final, cause sa perte.

 

(c) Jaime Roque de la Cruz

(c) Jaime Roque de la Cruz

Les applaudissements nourris et les acclamations du public ont salué cette magnifique performance, qui laisse présager de nombreuses représentations par le Ballet de l'Opéra de Lyon.

 

Chorégraphie (1949)  Roland Petit, reprise par Luigi Bonino - Musique Georges Bizet

Livret Roland Petit, d'après Prosper Mérimée - Décors et costumes Antoni Clavé 

Lumières Jean-Michel Désiré

 

 

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