Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Baronne Samedi

Broutilles paraissant le crésudi

Bigre - Pierre Guillois et ses complices

Publié le 1 Octobre 2015 par Baronne Samedi in Art et spectacles, Théâtre

Pour la seconde fois, et c'est mérité, le Théâtre de la Croix-Rousse programme ce bijou insolite créé et mis en scène par Pierre Guillois, un spectacle burlesque sans paroles qu’il qualifie de « fresque citadine ».

C'est en fait un projet construit à trois car, une fois les idées jetées sur le papier, les comédiens sont devenus force de proposition, au point que de son propre aveu, le metteur en scène n'aurait jamais fait Bigre sans les deux comédiens avec lesquels il aime travailler depuis des années.

À partir d'anecdotes, chacun a créé l'histoire intérieure de son personnage puis l'a intégrée dans cet univers de trois chambres de bonne, vues en maison de poupées, où cohabitent les solitudes.

Bigre - Pierre Guillois et ses complices

A gauche, il y a le Gros.  On retrouve dans ce rôle Olivier Martin-Salvan, qui nous avait tant amusés avec son Ô Carmen, en 2013, au Théâtre de la Croix-Rousse.

Méticuleux et compassé, il habite une capsule blanche minimaliste, entièrement commandée au claquement de mains.

Entre deux karaokés solitaires, il fait surgir son lit coulissant, une console vidéo et même des toilettes escamotables. Un clapet s'avère être un vide-ordure dans lequel il est prompt à évacuer tout ce qui lui déplaît.

Cette domotique sophistiquée fera vite l'objet de gags inénarrables, qu'un Jacques Tati n'aurait pas reniés.

Le public conquis éclate de rire et ne s'arrêtera pas jusqu'à la fin de la pièce, dont les effets sonores sont un atout plus puissant que des dialogues.

Au centre, c'est le Maigre, Pierre Guillois lui-même, personnage lunaire vaquant à de menues tâches domestiques entrecoupées de l'observation contrariée des oiseaux sur le toit.  Il n'est pas vieux mais il en a l'air, sauf quand il est pris soudain d'une frénésie farfelue.

Bigre - Pierre Guillois et ses complices

A droite, c'est la Poupée. Elle vit dans une bonbonnière, se fait bronzer sur le toit et s'emmêle dans les déboires hilarants que lui cause sa maladresse. Agathe Lhuillier joue à merveille cette paumée pleine de bonne volonté. 

Ce sont trois mondes différents mais les cloisons sont aussi minces que le palier est étroit.

Irrésistiblement, les personnages se rapprochent. Ils s'entraident, s'amourachent, se chamaillent, se consolent et recommencent.

Pour notre plus grand bonheur, les tableaux se succèdent  avec une drôlerie implacable et les fondus au noir ne laissent que peu de répit aux rieurs. 

Le Gros vole au Maigre des victuailles quand il découvre que la cloison mitoyenne lui donne accès à son placard. Plus tard, il se prend à le rudoyer mais la scène à la Laurel et Hardy a vite fait de le rappeler à l'ordre.

Autour de ça, la Poupée s'improvise coiffeuse, ostéopathe ou infirmière, au détriment des messieurs stoïques qui lui servent de cobayes et dont on se demande s'ils vont y survivre.

Bigre - Pierre Guillois et ses complices

Quand un  beau soir elle organise une boum à trois,  les voici qui dansent sur "Walk like an Egyptian". C'est une apothéose : le Gros se révèle étonnamment agile et le Maigre déploie une gestuelle que lui aurait enviée Valentin le Désossé.

A partir de là, c'est une tornade qui emporte la pièce et on ne sait plus où donner des yeux tant il se passe de choses dans les trois foyers.  

La cadence devient hystérique : la Poupée voit s'envoler son soutien-gorge, la capsule du Gros devient un dépotoir et dans un enchaînement de catastrophes, le Maigre finit  dans le vide-ordure.

La force de la pièce réside dans son travail sur l'humain. Les ressorts comiques nous émeuvent autant qu'ils nous font rire, et si les personnages appellent à l’empathie, c'est que souvent ils nous ressemblent, dans ce qu'ils ont de cruel et d'attachant à la fois.

Les exclamations ravies et les chaleureux applaudissements du public ont été à la mesure de cette réussite, qui mérite sans doute d'être vue une seconde fois.

 

Commenter cet article